Je laisse le clavier pour cet article à ma chère et tendre Madeleine:
Aujourd’hui j’ai besoin d’écrire. De raconter ce moment de la rencontre avec Esaïe.
Comme beaucoup savent, nous avons préparé cette grossesse avec notre super sage femme en vue d’un accouchement à domicile.
Mais nous déménagions au moment du terme dans une région sans sage femme pratiquant les AAD. On espérait secrètement qu’elle vienne plus tôt juste une semaine ça nous aurait arrangé mais la demoiselle a été réglo et a voulu faire ses 9 mois complets.
La veille les contractions se faisait moins discrètes, on a donc décidé d’aller se promener au bord de l’Orne avec les 2 grands. Il était relativement tard et on a profité de la douceur de la soirée pour donner à manger aux canards. On a passé un super moment. On est rentré, les petits se sont couché et moi je n’ai pas tardé non plus. Vers 2h du matin Elijah nous a rejoints dans le lit comme depuis quelques nuits. Il est collé à moi ce n’est pas pratique pour dormir. Vers 4h du matin ce n’est pas Elijah qui me réveille mais de jolies petites contractions, je le sais, le travail a débuté. Elles sont toutes douces je les accueille comme une véritable libération. Je suis heureuse je reste dans ma bulle comme ça pendant environ 2h.
Vers 6h30 je me lève car elles commencent à être un peu dures à accueillir avec mon homme et mon fils dans le lit. Je décide de me prendre un bain car elles sont vraiment très bien marquée et toutes les 10 minutes environ. Mon bain est agréable. Brice vient me voir en me disant « Je viens de réaliser ce que tu m’as dit, le travail a commencé, j’avais pas percuté, dès que j’ai compris je me suis levé ». Il m’aide à sortir de mon bain, j’enfile mon peignoir et on descend prendre notre petit dèj (qu’il va chercher à la boulangerie en face) L’église sonne , il est 7h. J’ai besoin d’un peu d’animation dans cette maison calme, je me mets la télé sur les clips. Il est 7h30 et je suis par terre à « danser » à chaque contractions qui commencent à piquer quand même. Brice appelle mes parents qui se mettent en route (ils ont 2h de route et en plus on les sort du lit les pauvres…). Les enfants sont dans le salon avec moi, je dis donc à Brice que si on va à la mater c’est maintenant car je ne pourrais plus bouger après car elles deviennent très raides et toutes les 6 minutes environ.
On embarque les 2 monstres dans la voiture, je monte difficilement. La route se passe relativement bien, les enfants ont compris pourquoi je chantonnais de temps en temps et surtout ils ont compris que c’était normal. On met 25 minutes pour aller à la mater (raison pour lesquelles nous avons choisi de nous y rendre plutôt que d’accoucher à la maison sans assistance).
Arrivée là-bas, j’attends bien 10 minutes que les sages femmes viennent me répondre. Brice reste avec les enfants en attendant Caro (qui prend le relais entre Brice et mes parents). Je patiente seule dans une salle il est 8h30. J’attends environ 15 minutes qui m’ont parues une éternité car les contractions deviennent anarchiques et vraiment intenables. La sage femme arrive, Brice avec elle.
Elle me parle de notre projet de naissance qu’elle ne pourrait pas le respecter en entier et d’autres trucs inutiles comme le fait qu’elle a besoin de la 3ème écho du bébé, celle que je n’ai pas faite…
Je souffre, je lance un regard à Brice qui comprend tout de suite qu’il doit prendre le relais avec la sage femme. Trop tard elle m’a stressé, je perds pied, à 2 ils mettent quelques minutes à me faire revenir à la raison car j’étais persuadée que c’était foutu je n’arriverais jamais à accoucher. La sage femme m’ausculte, je suis à 6. Et là je déprime. Je croyais que c’était « les salopes » comme les avaient si bien appelée Isa (les 30 dernières minutes de contractions qui font perdre espoir).
Elle m’envoie en salle de naissance en me disant que la salle nature est déjà prise, désolé, vous ne voulez pas de péri hein ?. Elle veut bien faire mais là j’ai juste besoin de calme et de mon mari. J’arrive à la salle de naissance bien difficilement au bras de Brice. Devant la porte j’ai une très grosse contraction qui me fait stopper net et l’auxiliaire de puériculture qui me presse pour pouvoir me mettre le monito. Elle insiste plusieurs fois. Brice l’envoie bouler gentiment (ça commence).
J’arrive sur le lit (table plutôt oui…) Je pose une fesse et une jambe, une grosse contraction et je crie ça pousse là ! « mais non madame vous n’ëtes qu’a 6 ! Installez vous bien pour que je vous mette le monito » Je répète « Je pousse », et là, la tête d’Esaie commence à sortir et perce la poche des eaux qui explose sur les sabots de l’auxiliaire…
La sage femme arrive en courant, ainsi que 2 autres personnes que je n’ai jamais vu. La sage femme crie sur l’aide soignante car elle n’a pas de gants sans latex. On me dit (je ne sais pas qui est cette personne, ni quel est son métier) «Je vous fais le synto nous sommes obligé c’est dans le protocole ».
Je lui crie « Non », elle m’attrape le bras (je rappelle que j’avais la tête d’Esaie qui était quasi sortie). Brice le lui répète et lui interdit de me toucher. Trop de stress, je reperds pied et me met à hurler mais vraiment hurler ! Brice me calme comme il peut, la petite sort en 2 poussées, on me la pose sur le ventre, je la regarde vite fait, regarde mon bras toujours tenu par cette personne, mon bras avait donc un joli pansement après une IVD de syntho.
Je remballe ma colère et câline ma fille, tout en parlant avec la sage femme. Je me délivre sans problème. Elle me recoud et nous laisse seuls, enfin. On profite d’un moment à 3, pendant 2h.
On peut se dire oh le bel accouchement, super ça a été rapide, la chance… Moi ce n’est que de la rancœur que je ressens. On m’a volé Mon instant, on m’a volé ce que j’attendais depuis 9 mois, on m’a volé mon premier regard avec ma fille, on m’a volé ce premier instant.
J’ai du mal à le digérer mais avec le temps je finirai par oublier. J’ai l’impression de ne pas avoir été respectée, que j’étais juste un numéro. Ça peut peut-être en choquer certains que je me sente mal « pour si peu », c’est pour ça que je n’ai pas parlé de mon ressenti, parce que je me disais on a eu de la chance quand même ça aurait pu être pire.
Mais est ce que je dois me réjouir car ça aurait pu être pire ? J’estime que dans ce moment là, si spécial, ça aurait pu mieux se passer, car rien n’obligeait médicalement tout ce stress et ces actes.
Donc oui, je n’ai plus honte de dire que oui je pleure quand je repense à ce jour là car il aurait pu être comme je le voulais, car on m’a volé mon moment magique, notre moment magique.